Éditorial du Mois

Docteur angélique

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Dans le long champ violet de notre carême, de petites taches blanches parsèment l’ensemble. Ce sont les jours où nous fêtons des saints qui, par leur importance, leur place dans l’histoire du Salut ou dans l’histoire de l’Eglise, méritent d’être préférés aux Messes prévues pour les jours de carême. Qui sont-ils ? Il s’agit de saint Joseph, époux de Notre-Dame, père nourricier du Seigneur, gardien de la sainte Famille, fêté le 19 mars (le 20 mars, exceptionnellement cette année car le 19 mars se trouve être un dimanche) ; il s’agit de la très sainte Vierge Marie, célébrée dans le mystère de son Annonciation et de la Conception du Fils de Dieu, le 25 mars, neuf mois avant les festivités de Noël ; il s’agit également, pour la Fraternité Saint-Pierre, de saint Thomas d’Aquin que nous venons de fêter mardi dernier, le 7 mars. En ces trois jours de fête, qui sont comme de petites oasis dans le désert ardent de notre carême, le prêtre laisse à la sacristie les ornements violets pour revêtir l’étole et la chasuble blanche et donner aux Messes de ces trois journées une dimension plus festive et plus allègre.

Nous comprenons parfaitement qu’il en soit ainsi pour Notre-Dame et pour saint Joseph, piliers et joyaux de la sainte Famille… Nous pouvons davantage nous interroger à propos de saint Thomas d’Aquin : pourquoi le distinguer spécialement au milieu de tous les saints que le carême place en quelque sorte en retrait, entre le Mercredi des cendres et le Dimanche de Pâques ? Parce que « l’Aquinate », ainsi qu’il est fréquemment surnommé (« l’Aquinate » : « celui qui est originaire de la ville d’Aquin ») est le saint patron des études au sein de la Fraternité Saint-Pierre : il est donc fêté dans nos séminaires avec la plus grande solennité – et célébré également dans chacune de nos maisons, par tous les prêtres qui se souviennent de tout ce qu’ils doivent au grand enseignant dominicain du XIIIème siècle.

Il n’est pas exagéré, en effet, d’affirmer, que saint Thomas demeure l’un des plus brillants génies de l’histoire des hommes ; sans aucune recherche de lui-même, sans aucune volonté de se mettre en avant mais, tout humblement, au service de la vérité qu’il chérissait et qu’il voulait transmettre et faire aimer à ses élèves, maître Thomas a réalisé la plus prodigieuse synthèse du Moyen-Âge : dans la lumière de la Parole de Dieu, il a fait dialoguer sciences naturelles, humanités et théologie ; en véritable héritier, qui sait faire fructifier les richesses gratuitement reçues, il a fait converger les trésors de la patristique (les « Pères de l’Eglise » : tous les grands saints enseignants et théologiens des premiers siècles) et les meilleures intuitions des plus sûrs philosophes de l’Antiquité grecque. Au premier rang desquels se trouve Aristote, commenté tant par les païens que par les chrétiens, tant par les juifs que par les musulmans. A saint Thomas, la vérité n’a jamais fait peur, d’où qu’elle vienne… Étant bien persuadé de toute manière que « tout ce qui est vrai est catholique », c’est-à-dire que tout ce qui est vrai converge et amène de toute manière vers l’ultime Vérité qu’est le Christ.

En ce septième centenaire de la canonisation de saint Thomas d’Aquin (nous fêterons également en 2025 le huitième centenaire de sa naissance), attachons-nous à découvrir ou à redécouvrir ce saint immense qui, loin des caricatures de théologien abscons, fut avant tout un lecteur fervent de la Parole de Dieu, un amoureux de la Vérité, un cœur brûlant qui ne voulait « d’autre récompense que Vous, Seigneur ! »

                                                                                                                                                                                                                                                                                                        Abbé Jean-Baptiste Moreau

 

Pour aller plus loin dans la découverte de l’Aquinate : naviguez sur le magnifique site spécialement réalisé par les dominicains de Toulouse : https://thomas-aquinas-jubileum.org