Éditorial du Mois

Anniversaires

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En l’an de grâce 1148, le roi Louis VII, marié à la tourbillonnante Aliénor d’Aquitaine, règne sur la douce terre de France. En cette même année, Conrad III préside aux destinées du Saint-Empire romain germanique, vaste conglomérat de territoires, de principautés et d’évêchés qui s’étend sur plus de 900 000 km² (et qui, depuis plus d’un siècle, compte Besançon et le Comté de Bourgogne parmi ses possessions).

    En cette année 1148, les regards de la chrétienté sont, pour beaucoup, tournés vers l’Orient, où les deux souverains tentent de conduire, malgré de nombreuses déconvenues, la deuxième croisade qui se soldera par un cuisant échec… Mais un événement de grande ampleur va également traverser la cité comtoise : le 5 mai 1148, le Pape Eugène III, en personne, vient consacrer la Cathédrale Saint-Jean, parachevant ainsi un chantier de plus de vingt-cinq années. Nous fêtons dès lors, durant ce mois de mai 2023, le jubilé de l’église-mère de notre diocèse : son 875ème anniversaire !

Plus de dix vies d’hommes, plus de quarante générations : la cathédrale Saint-Jean a vu se succéder à l’ombre de ses murs les évêques et les princes, les régimes politiques et les bouleversements sociaux. Elle a accueilli en son sein des centaines de milliers de chrétiens – venus y prier, dans la pénombre du recueillement, au sein de ses nombreuses chapelles, ou dans les fastes de la liturgie, déployés dans son chœur majestueux. Depuis 875 ans, elle demeure ainsi : gardienne de la ville qu’elle surplombe et sur laquelle elle veille… Icône de paisible permanence et de beauté sereine dans un monde qui ne cesse de changer.

Mais ne nous y trompons pas : la permanence de l’édifice dans le temps et les convulsions de l’histoire est, en fait, l’image et l’écho d’une permanence plus grande qui est celle de la foi. La « cathédrale » est, en effet, par définition, l’église où se tient la « cathèdre » : ce siège de l’évêque sur lequel lui seul doit pouvoir s’asseoir et qui ne doit jamais être transporté ailleurs. La cathèdre représente tout à la fois la charge de gouvernement et la mission d’enseignement qui sont confiées au premier pasteur du diocèse ; du haut de sa cathèdre, l’évêque (en grec : « celui qui veille sur ») veille sur ce peuple qui est le sien ; assis sur la cathèdre, il l’enseigne et le nourrit de la Parole divine, à l’exemple du Seigneur qui s’asseyait pour enseigner : « Jésus s’assit dans la barque et se mit à enseigner les foules » (Lc, 5, 3).

Ainsi, c’est de la cathèdre que jaillit, pour tout notre diocèse, la proclamation de la foi qui, plus encore que la cathédrale Saint-Jean, reste inchangée malgré les siècles qui passent. Permanence magnifique de l’Evangile qui ne vieillit pas puisqu’il demeure identique tandis que change tout le reste ! Permanence si précieuse de la foi qui n’est jamais démodée, puisqu’elle ne se soucie pas des modes du monde ! Les hérésies n’ont que l’apparence de la nouveauté car, sous des noms et avec des meneurs différents, ce sont toujours les mêmes erreurs qui renaissent de siècle en siècle… Seul est nouveau l’Evangile qui dit l’Amour inouï et toujours nouveau de Dieu pour nous ; seule est stable la foi qui ne change pas au gré des modes.

Fêtons donc avec grande allégresse les 875 ans de notre belle cathédrale, image de la stabilité de notre foi ! Passons y prier durant ce riant mois de mai, consacré à Notre-Dame, si chère aux cœurs comtois… Et, dans ses murs, prions tout spécialement pour notre archevêque, Monseigneur Bouilleret qui fête également cette année ses 20 ans d’épiscopat ! Bel et saint anniversaire à notre cathédrale et à celui qui en est le premier serviteur !                                                         

 Abbé Jean-Baptiste Moreau